Pizza

Un réveil dans les nuages de plus au compteur ; il a plu une bonne partie de la nuit et on peut s’estimer heureux que la tente soit toujours sèche à l’intérieur. Ce sentiment d’avoir échappé au pire s’envole quand je commence à chercher mes chaussures, qui sont restées à l’extérieur de la tente. Dans la série Régis est un con… On fait un feu avec un gros tas racines qu’on a ramassé la veille en pensant alors faire un méga feu trop bien. On grille des saucisses en guise de petit déjeuner, puis on démonte la tente. Faltad pense qu’on a dormi sur des myrtilles (son tapis de sol est beaucoup plus sensible que le miens), on retourne la tente, effectivement, elle ressemble à une pizza sans fromage.

On part vers midi à l’assault d’une montagne dont le nom finit en “bdu”. On est dans les nuages et il fait toujours très gris, on ne voit pas très loin. Évidemment, je suis aigri car j’ai les pieds mouillés. On traverse une zone de marécages qui monte, et qui petit à petit, se transforme en pierrier.

Avec la pluie ça glisse dans tous les sens, on avance doucement. Par moments les nuages se découvrent pour laisser place à une vue magnifique, on est entourés de montagnes dont les pointes sont impressionantes. La fin de l’ascension fait mal partout, c’est aussi difficile que le Snøhetta quelques jours plus tôt, sans l’autre énergumène invisible qui semait des cacahuètes partout.

Au bout d’environs deux heures, on arrive en haut de la montagne qui se finit en “bdu” et on trouve deux petits refuges vides, ainsi que des toilettes (c’était pas le premier truc auquel on s’attendait). On marque une pause sur le pallier d’un des refuges, et on fait du thé à l’abris de la pluie verglacante qui tombe toujours. Après quelques cookies, on entame la descente qui est dangereuse: on voit à 10 mètres, il pleut, ça glisse, il n’y a que des pierrers, et la pente est très raide, à la limite de l’escalade par moments. Au loin comme un coup de tonnerre, on entend un éboulement mais c’est impossible de savoir d’où ça vient avec les nuages. On arrive en bas deux heures plus tard, au pied d’un lac où Faltad fait du couscous au ketchup pendant que je pêche un peu.

On se dit alors qu’on a le temps d’aller jusqu’à Isforden, une des villes installée à l’extrémité d’un fjord, pas très loin de la gare d’Åndalsnes où un train nous attend. On longe le lac à coté duquel il y a quelques cabanes de pêcheurs. On croise une habitante d’une de ces cabanes à qui on dit bonjour, elle nous répond un truc qu’on ne comprend pas (probablement Frih Deh Bi De Uh), on fait comme si on avait compris, alors qu’elle sait très bien qu’on a rien capté, et qu’elle sait qu’on sait qu’elle sait qu’on a rien capté et STOP, t’arrête de romancer ce passage chiant TOUT DE SUITE.

On doit encore grimper pour passer de l’autre coté d’une des dernières difficultés du voyage, mais là encore, c’est difficile avec la pluie et la fatigue. Plus on avance, plus le taux de cassage de gueule sans gravité entre les cailloux du pierrier augmente. Voyant s’approcher la nuit, on commence à flipper de ne pouvoir trouver d’endroit plat où se poser (on est genre au milieu de l’ascension).

Finalement on arrive pas loin de la crête, et on trouve un endroit pas trop mal compte tenu de la situation. On décide de se poser, à moitié dans les nuages et dans la nuit qui tombe. Le vent souffle énormément, on est dans une cuvette et on craint de se retrouver mouillés au matin vu qu’il pleut toujours. Et oui, je suis toujours aigri car j’ai toujours les pieds mouillés.

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